Agriculture, Maraîchage

Qu’est-ce que la production de semences ?

Rencontre avec Edith, productrice dans le Maine et Loire 

Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir comment les semenciers
pouvaient vendre des graines en grande quantité ?  

Et bien pour répondre à cette question, je suis allée rencontrer une productrice de semences dans le Maine et Loire. Je travaille depuis 2016 dans la filière semences, une branche de l’agriculture peu connu du grand public et pourtant, c’est le point de départ de la majeure partie de notre alimentation quotidienne. La filière semence regorge de métiers complexes et celui de la production de semences, vous allez voir, n’échappe pas à la règle ! C’est un monde passionnant et je suis ravie de vous en parler sur le blog ! 

Tout d’abord, un peu de contexte : les semenciers travaillent à la recherche de nouvelles variétés, les testent en conditions réelles, multiplient les semences, les récupèrent, les nettoient, les ensachent et les vendent aux agriculteurs et agricultrices. Nous allons voir spécifiquement dans cet article l’étape de multiplication des semences et le rôle des agriculteurs multiplicateurs ou encore appelé producteurs de semence 

Direction La Ménitré pour rencontrer Edith Frison, productrice de semences depuis fin 2018. J’avais beaucoup de questions à poser et Edith est une vraie passionnée par son métier… Autant vous dire que nos échanges ont été riches en explications !  

Comment Edith a démarré son activité de production de semences ? 

Edith s’est reconvertie en production de semences à partir de 2018, auparavant elle travaillait chez un semencier. Elle a eu envie d’exercer un métier différent, sur le terrain et c’est ainsi qu’elle a commencé à chercher un terrain pour s’installer. 

Elle a commencé son activité en 2018, en reprenant les terrains et a commencé à cultiver en 2019. Lorsqu’elle s’est installée, il a fallu monter les serres, faire le forage, construire le hangar. Aujourd’hui, il y a 16 serres de cultures et 6 d’entre elles sont consacrées à la production de semences Bio. 

Cette année, son mari l’a rejoint dans l’activité, lui aussi issu de la filière semences. 

Qu’est-ce que ça veut dire la « production de semences » ? 

Pour que les agriculteurs, producteurs de plants ou même les jardiniers amateurs puissent produire des légumes, des céréales, du tournesol et autre, il faut multiplier les graines afin de pouvoir les vendre en grande quantité. Lorsqu’une nouvelle variété est créée, au départ, il n’y a quelques graines. Comment passe-t-on de quelques graines à des big bag ? Et on bien on multiplie les semences grâce notamment au travail des producteurs de semences, aussi appelé agriculteurs-multiplicateurs

Que produit Edith dans ses serres ?

Edith produit des cultures d’hiver et de printemps. En cultures d’hiver, elle fait du poireau, de la chicorée, du navet, du chou-fleur, du chou rave, de la carotte, du haricot… En cultures de printemps, elle cultive du radis, de la laitue, de la courge, du poivron. Des cultures variées tout au long de l’année ! 

La productrice confie que la complexité par rapport à un agriculteurs réside dans l’organisation des rotations des cultures car les producteurs de semences sont dépendants des programmes et volumes demandés par les semenciers. Les cultures ont aussi un cycle plus long puisqu’elles doivent montrer en graines. C’est à dire qu’après la croissance du légume, on ne le récolte pas mais on laisse les tiges pousser pour faire des fleurs et ainsi récolter les graines. Elle s’occupe également du séchage des graines avant de les livrer aux semenciers. Les entreprises semencières sont ses clients. 

A partir de quoi produit-on des semences ? 

Edith m’explique que cela dépend des légumes, la plupart du temps, les semenciers lui livrent des jeunes plants comme pour le poireau par exemple. Le haricot, quant à lui, arrive sous forme de graines à semer. Tandis que la carotte et le radis sont reçus sous forme de légumes, prêts à être mangés et sont plantés ainsi. 

Dans la croissance de la plante, pour certaines, on va passer par le stade légumes, comme pour les poivrons ou les haricots. Pour la laitue par exemple, lorsqu’elle arrive au stade légume, Edith lui enlève les feuilles extérieures pour desserrer le cœur et que petit à petit le centre croît vers le haut. On appelle cela « monter en graines » ou la « montaison ».  

Autre exemple : le chou-fleur une fois arrivé au stade légume, la pomme va se desserrer, éclater et petit à petit il va y avoir de petites fleurs qui vont pousser et monter en graines. 

Pour récolter les graines, on dépasse le stade légumes de plusieurs mois. Là où le maraicher peut faire plusieurs cycles de culture dans l’année, pour la production de semences, ce n’est pas possible. 

Est-ce que produire des graines de légumes, c’est être maraîcher ? 

C’est une question qu’elle entend souvent et nous répond que non, ce sont deux métiers différents. Les dates de culture des légumes sont en décalage avec le maraichage. Par conséquent, prenons l’exemple du poireau, les dates de plantation pour la production de graines font que la plante ne fera jamais de légumes à proprement parlé. 

Est-ce que la production de semences est un métier complexe ? 

Cultiver des plantes dont le but est de récolter les graines nécessite une extrême rigueur et notamment dans l’implantation des plantes femelles et mâles. Par exemple, pour le poireau, elle a planté le mâle 15 jours avant la femelle pour réussir à synchroniser la floraison des deux. Pour le chou-fleur, elle m’explique qu’elle plante à trois dates différentes et l’ordre des rangs dans la serre entre mâle et femelle a toute son importance. Le but est de garantir qu’au moment de la floraison de la plante femelle, il y ait du pollen sur les plantes mâles. 

C’est donc un métier précis et difficile à mécaniser car chaque culture requiert des techniques spécifiques et personnalisées. 

Edith précise aussi qu’elle ne mécanise pas la production, elle préfère gérer chaque étape elle-même. Dans ses serres, elle utilise un plastique intégral de paillage et qu’elle peut moduler d’une espèce à une autre. Car en fonction des espèces, elle ne va pas mettre les mêmes espacements entre les chaque plant et chaque rang. 

Comment sont cultivées et récoltées les graines ? 

Pour toutes les espèces, il y a l’étape d’implantation. Ensuite, la plante va monter et à ce moment-là, Edith fait du tuteurage, c’est-à-dire qu’elle met des piquets et des ficelles pour tenir la plante. Cette étape commence à la montaison jusqu’à la fin de la floraison. Le moins que l’on puisse dire c’est que dans les serres, y’a de la vie… De nombreuses mouches, abeilles, bourdons. Ça bourdonne !  

Après la floraison, lorsqu’il s’agit de plantes hybrides, elle arrache les mâles, puis elle coupe les femelles.  

Pour récolter les graines, la méthode est quelque peu surprenante : elle met une bâche aux pieds de ses cultures, coupe les plantes et les fait tomber dedans. Elle laisse sécher puis ouvre la serre et roule sur la bâche avec une voiture ! Ensuite, pour faire un premier triage, elle utilise un moulin qu’utilisait son grand père pour trier les graines. Aujourd’hui, ils ont un moteur au lieu de tourner la manivelle à la main… On veut bien la croire quand elle nous dit que c’est plus « confortable » ! 

Leur travail est de faire un pré-triage avant de livrer les semenciers qui feront ensuite le triage et le nettoyage des graines.  

Comment collabore-t-elle avec les entreprises semencières ? 

Mon interlocutrice m’explique qu’elle travaille avec trois semenciers spécialisés en semences potagères et elle confie que la collaboration se passe bien. Chaque année, elle cultive quasiment les mêmes espèces avec les mêmes semenciers. Et elle fait en sorte de préserver une relation de confiance avec eux, en ayant des espèces dédiées à chaque semencier. Les variétés sont différentes tous les ans, ce qui nécessite un suivi de culture rigoureux et les équipes des entreprises semencières viennent également voir les serres pour prodiguer des conseils sur leurs variétés. Cela demande des compétences pointues car cultiver et réussir des plantations chaque année alors que les variétés nouvelles, ce n’est pas chose aisée ! 

Pour l’aider à implanter ses cultures, les responsables techniques des entreprises semencières guident Edith car ils connaissent leurs variétés. Ils savent donc lui dire si le mâle de telle variété produit beaucoup de pollen ou non. Avec ces indications, elle détermine combien de rangs mâles et femelles elle doit faire pour réussir sa production de semences. 

La collaboration entre le semencier et l’agriculteur-multiplicateur est une étape fondamentale dans la production de semences. Les semenciers travaillent avec de nombreux producteurs pour récolter en quantité les graines. Lorsque les entreprises sont présentes à l’international, elles travaillent avec des agriculteurs-multiplicateurs dans de nombreux pays. Cela permet aussi de produire des semences en contre-saison et ainsi accélérer les étapes du développement produit. 

Et voilà pour ce nouvel article sur la production de semences, j’espère qu’il vous aura éclairé sur ce métier peu connu ! Pour compléter vos lectures sur le sujet des semences, ne manquez pas l’article sur la sélection variétale 🙂 Découvrez également la filière semences sur le site de l’interprofession Semae.